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Au XIXe siècle, les scientifiques considéraient les vrais jumeaux comme de parfaites copies. Mais depuis une trentaine d'années, des avancées scientifiques relèvent des discordances de plus en plus nombreuses entre les deux individus.
Les vrais jumeaux sont-ils tous identiques ? En France, 1,2 % des grossesses sont gémellaires. Seulement une sur trois aboutit à la naissance de vrais jumeaux. Les jumeaux dits « semblables » sont issus d’un seul ovocyte fécondé par un seul spermatozoïde. Cet ovocyte se divisera en deux entre le 2e et 14e jour de son développement, engendrant théoriquement deux êtres identiques génétiquement, jumeaux dits monozygotes (un seul œuf). La division de l’ovocyte résulte d’une fragilité, acquise par des retards dans la décharge hormonale à l’ovulation.
La PMA dope les grossesses gémellaires
La procréation médicale assistée (PMA), qu’il s’agisse de stimulation ovarienne ou de fécondation in vitro (FIV), est l’une des causes de la hausse perceptible du nombre de faux et vrais jumeaux. Aujourd’hui, en France, 26 % des grossesses obtenues après PMA sont gémellaires. Mais cette hausse peut aussi être attribuée au recul de l’âge de la maternité. L’augmentation du taux hormonal qui en résulte élevant la probabilité pour que deux ovules soient émis et fécondés simultanément.
Dans tous les cas, la grossesse gémellaire est plus fragile que la grossesse unique, de la conception à la naissance. Comme en témoigne la pratique systématique de l’échographie, une importante mortalité de l’un ou des deux des jumeaux se manifeste au cours de la grossesse. Par ailleurs, les vrais jumeaux particulièrement, présentent plus de malformations que les singuliers. Et tandis que jumeaux séparés précocement sont moins fragiles que les autres, les jumeaux de sexe féminin sont moins fragiles que ceux de sexe masculin.
La parfaite identité, une notion obsolète
À la fin du XIXe siècle, les scientifiques considéraient, sur des critères physiques (phénotype), que les vrais jumeaux étaient parfaitement identiques. Raison pour laquelle ils les utilisèrent comme modèle pour évaluer l’importance relative de l’inné (les caractères héréditaires transmis par les gènes) et de l’acquis (ce qui est acquis par l’influence de l’environnement) dans le développement de l’individu. Le scientifique britannique Galton, cousin de Darwin, ouvrit en 1875 le débat « hérédité contre milieu » (nature versus nurture) et proposa que, seule, l’hérédité construisait l’individu. Une hypothèse acceptée pendant presque un siècle.
Depuis une trentaine d’années, de plus en plus de différences phénotypiques et même génotypiques entre vrais jumeaux se révèlent. La fréquence de ces discordances, expliquée par des manifestations de l’épigénétique – changements "héritables" qui ne sont pas dus à des mutations, mais à l’environnement –, au sein du milieu intra-utérin, a conduit petit à petit à abandonner la notion "d’identité parfaite" pour désigner les vrais jumeaux.
Ces discordances peuvent cependant se révéler précieuses pour la médecine. En particulier si l’un des jumeaux présente une pathologie dont l’autre est indemne : un examen différentiel des deux individus pourra permettre de découvrir chez le malade des anomalies génétiques ou biologiques susceptibles d’expliquer l’origine de sa pathologie et d’aboutir à des traitements.
Des signes particuliers
La gémellité engendre généralement des comportements spécifiques : retard dans l’apprentissage de la langue et création d’une cryptophasie (langage inventé et utilisé par les jumeaux), difficultés de socialisation, liens fusionnels ou relation dominant-dominé dont l’intensité peut devenir insupportable. Des comportements qui affectent tous les jumeaux, mais plus sensiblement les vrais que les faux jumeaux. Le psychologue Réné Zazzo explique ces composantes de la personnalité des jumeaux par le micromilieu qu’ils forment ensemble : leur vie en couple les isole du reste de la famille.
Mais ils sont en cela poussés par les parents qui gémellisent leurs enfants en les traitant trop souvent comme une unité. En effet, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, les jumeaux forment un groupe humain à part. Heureusement, cette communauté est pour une large majorité source de sécurité et de plénitude. À l’inverse des singuliers dont le sentiment d’unicité est souvent nécessaire à la réalisation de soi.